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n juin 1940, alors qu’elle fuyait Paris en
direction du sud ouest, Joséphine Baker tomba sous le charme du Périgord et
s’éprit d’un splendide château, désormais connu dans le monde entier pour avoir
été l’une des demeures de la grande star du music-hall. D’après les plaquettes
touristiques du coin, « le Château des Mirandes [définitivement
rebaptisé ‘‘Milandes’’ par l’accent américain de la star], entrepris en 1489
par François de Caumont et terminé au XIXe siècle, est considéré aujourd'hui
comme une merveille d'architecture néo-gothique : somptueux vitraux, cheminées
monumentales, meubles d'époque, armoiries, marqueteries et parquets
magnifiques ».
Joséphine Baker échafauda toutes sortes de travaux afin de rénover ce château médiéval à l’ancienne tout en y ajoutant les commodités du XXe siècle : salle de bain, électricité, cuisines, piscine (en forme de « J » …), tennis, terrains de volley...
Joséphine Baker échafauda toutes sortes de travaux afin de rénover ce château médiéval à l’ancienne tout en y ajoutant les commodités du XXe siècle : salle de bain, électricité, cuisines, piscine (en forme de « J » …), tennis, terrains de volley...
La chanteuse souhaitait
ainsi bâtir une ferme moderne. Attendrie par les animaux, elle vivait entourée
d’une impressionnante ménagerie : poissons, souris, singes, chiens et chats,
oiseaux, cochons et autres volailles. Aux Milandes, ils circulent en toute
liberté. D’ailleurs, dans l’étable chaque vache a son nom inscrit au néon bleu
au-dessus de sa stalle.
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our financer
cette entreprise colossale, Joséphine bâtit un véritable parc de loisir autour
de sa propriété avec hôtels 4 étoiles, huttes africaines, bars, restaurant,
guinguette, cabaret, boîtes de nuit et attractions diverses. Détail pittoresque
: les jardiniers portaient l’uniforme des marines américains. Perfectionniste,
elle ouvrit également une boulangerie exotique, une station essence et un
héliport. En outre, elle rêvait d’un casino, mais n’obtint jamais les
autorisations nécessaires, la région craignant pour sa jeunesse. En attendant,
elle désirait commander des canons à neige pour l’hiver…
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nfin, elle s’offrit un petit musée Grévin : le
« Jorama ». Des statues de cire grandeur nature à son effigie
retracent ses débuts, depuis son enfance à Saint-Louis jusqu’à sa bénédiction
pontificale par sa Sainteté Pie XII, le tout en quatorze saynètes tel un chemin
de croix. En dehors d’une mégalomanie exacerbée, cette exposition permet de
découvrir certains épisodes méconnus qui marquèrent la vie palpitante de
l’artiste. En effet, Miss Baker ne fut pas simplement une illustre ceinture de
bananes dansant un charleston endiablé, mais également une héroïne de la
Seconde Guerre Mondiale. Le château des Milandes devint à ce titre un témoin
privilégié de la Résistance française. En plus d’abriter des soldats et
émetteurs alliés, la châtelaine a traversé plusieurs fois l’Espagne le corsage
gonflé de documents ultra secrets et risqué sa vie avec les plans allemands
épinglés sous ses jupons. Nommée Sous-lieutenant dans les Forces aériennes
françaises, elle fit honneur à son tube internationalement fredonné depuis :
« J’ai deux amours… », et servit la France en chantant sur le front
pour soutenir les soldats. Participant activement à la Résistance, elle accompagna
les troupes basées en Afrique du Nord. La lettre du Général de Gaulle la
remerciant demeure célèbre.
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’origine américaine, Joséphine Baker née
MacDonald, adopta la France. Bien qu’adulée dans le monde entier, bien que
décorée de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre, des médailles de la
Résistance et de la France Libre, certains hôtels américains la refusèrent
pourtant parce qu’elle était noire. Dans sa lutte pour l’égalité des droits,
l’univers des Milandes fut baptisé le « Village du monde ». D’une
part, il accueillait des touristes, personnalités et hommes politiques de tout
pays, d’autre part, sa propriétaire se proclama « maman universelle »
en adoptant, au détour de ses multiples voyages, douze enfants de nationalités
diverses. Sa famille « arc-en-ciel » devint alors la principale
attraction du château avec, entre autre, Akio le Japonais, Koffi le Sénégalais
- actuellement restaurateur dans un grand restaurant à Buenos Aires -, Moïse
l’Israélien, Mara l’indien du Pérou, Brahim le musulman, Marianne la
catholique, Jarry le Scandinave.
Joséphine publia
elle-même un conte intitulé La Tribu arc-en-ciel. Sur la couverture, une
poule noire et borgne regarde huit enfants perchés sur un arbre. C’est
l’histoire de Kott-Kott la poule qui a perdu son œil et qui parcourt le monde
pour le retrouver. Son périple s’achève quand elle découvre un havre de paix où
plus personne ne se moque d’elle. Sur la page de garde, on peut lire :
« ouvrage rédigé aux Milandes où Kott-Kott a trouvé le bonheur ».
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ependant, la gestion de la maisonnée conduisit
inévitablement Mlle Joséphine Baker, malgré son grand cœur, sa renommée et ses
galons, à la faillite… Au coût des festivités du château s’ajoutaient le rythme
de vie fastueux de la vedette (voyages, hôtels, toilettes, costumes, cadeaux…)
et les salaires des domestiques et des douze précepteurs (chaque enfant
recevant l’éducation de son pays d’origine !). Malgré ses idéaux, les Milandes
n’étaient pas un paradis fiscal…
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e château fut
d’ailleurs la scène d’un vaudeville quasiment incessant : les domestiques
défilaient à une vitesse phénoménale, les frasques du frère de Joséphine firent
la une des gazettes locales et les esclandres conjugaux du couple
« Jo » Baker-Jo Bouillon, se traitant de pédérastes sur la place du
marché, animèrent les conversations de cafés. Sans parler des poursuites au
revolver d’épouses jalouses, des évasions d’animaux enragés et des lubies de la
danseuse qui offrit à la Chapelle de sa commune une statue de la Vierge Marie à
son image…
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es Milandes furent saisis par ses créanciers et
mis aux enchères malgré ses multiples tentatives de sauvetage : les conseils
d’une chaîne hôtelière danoise, l’appel télévisé de Brigitte Bardot en 1963,
l’intervention du Roi Hassan II, les propositions du Club Méditerranée et
d’Europe 1, le disque SOS Les Milandes produit par Bruno Coquatrix. Rien
n’y fit. Et la photo de Joséphine Baker mise à la porte des Milandes en robe de
chambre et bonnet de nuit, assise, dehors et sous la pluie, sur les marches du
palier, un petit chat sur ses genoux, est aussi célèbre que sa ceinture de
bananes. Joséphine Baker quitta son château en 1969. Ruinée, elle fut aidée par
ses amis et remonta régulièrement sur les planches. Grace Kelly l’hébergea à
Monaco où elle fut inhumée en 1975.
Néanmoins, les touristes
affluent des quatre coins de la planète pour s’aventurer dans la jungle des
chemins de traverse périgourdins et visiter le mythique château des Milandes.
Durant les plus belles années de succès de la chanteuse, il y vint d’ailleurs
plus de monde qu’aux grottes de Lascaux ! Le château possède désormais un site
internet : www.milandes.com.
La bibliographie concernant Joséphine
Baker est dense. Les biographies à son sujet sont aussi diverses que variées,
notamment les cinq autobiographies rédigées au cours de sa vie tumultueuse :
Les mémoires de Joséphine Baker, Marcel SAUVAGE, Paris : Editions KRA, 1927.
Voyages et aventures de Joséphine Baker, Marcel SAUVAGE, Paris : Sheur, 1931.
Joséphine Baker vue par la presse française, Pépito ABATINO, Paris : Les Editions Isis, 1931.
Une vie de toutes les couleurs, André RIVOLLET, Grenoble : B. Arthaud Editeur, 1935.
La Guerre secrète de Joséphine Baker, Jacques ABTEY, Paris : Editions Siboney, 1948.
Les mémoires de Joséphine Baker, recueillis et adaptés par Marcel SAUVAGE, Paris : Correa, 1949.
Joséphine, Joséphine BAKER et Jo BOUILLON, Paris : Laffont, 1976.
Josephine Baker, Leo GUILD, Los Angeles : Holloway House, 1976.Remembering Josephine : A Biography of Josephine Baker, Stephen PAPICH, New York : Bobbs-Merrill, 1976.
Joséphine, Dieter KUHN, Francfort : Suhrkamp Verlag, 1976.Naked at the Feast : A Biography of Josephine Baker, Lynn HANEY, New York : Dodd Mead, 1981.
Josephine Baker, Bryan HAMMOND, Londres : Jonathan Cape, 1988.
Jazz Cleopatra : Josephine Baker in Her Times, Rose PHYLLIS, New York : Doubleday, 1989.
Jazzens Tegn, Randi HULTIN, Oslo : H. Aschehoug & Co, 1991.
Joséphine Baker et le village des enfants du monde en Périgord, Jean-Claude BONNAL, Le Bugue : PL Editeur, 1992.
Joséphine. Une vie mise à nu, Jean-Claude BAKER & Chris CHASE, Paris : A Contrario, 1995.
Et aussi deux fictions :
Mon sang dans tes veines : roman d’après une idée de Joséphine Baker, Pépito ABATINO et La Camara, Paris : Les Editions Isis, 1931.
La tribu
arc-en-ciel, Piet WORM, texte de Joséphine Baker avec la collaboration
de Jo Bouillon, Amsterdam : Editions Mulder & Zoon, 1957.
Les mémoires de Joséphine Baker, Marcel SAUVAGE, Paris : Editions KRA, 1927.
Voyages et aventures de Joséphine Baker, Marcel SAUVAGE, Paris : Sheur, 1931.
Joséphine Baker vue par la presse française, Pépito ABATINO, Paris : Les Editions Isis, 1931.
Une vie de toutes les couleurs, André RIVOLLET, Grenoble : B. Arthaud Editeur, 1935.
La Guerre secrète de Joséphine Baker, Jacques ABTEY, Paris : Editions Siboney, 1948.
Les mémoires de Joséphine Baker, recueillis et adaptés par Marcel SAUVAGE, Paris : Correa, 1949.
Joséphine, Joséphine BAKER et Jo BOUILLON, Paris : Laffont, 1976.
Josephine Baker, Leo GUILD, Los Angeles : Holloway House, 1976.Remembering Josephine : A Biography of Josephine Baker, Stephen PAPICH, New York : Bobbs-Merrill, 1976.
Joséphine, Dieter KUHN, Francfort : Suhrkamp Verlag, 1976.Naked at the Feast : A Biography of Josephine Baker, Lynn HANEY, New York : Dodd Mead, 1981.
Josephine Baker, Bryan HAMMOND, Londres : Jonathan Cape, 1988.
Jazz Cleopatra : Josephine Baker in Her Times, Rose PHYLLIS, New York : Doubleday, 1989.
Jazzens Tegn, Randi HULTIN, Oslo : H. Aschehoug & Co, 1991.
Joséphine Baker et le village des enfants du monde en Périgord, Jean-Claude BONNAL, Le Bugue : PL Editeur, 1992.
Joséphine. Une vie mise à nu, Jean-Claude BAKER & Chris CHASE, Paris : A Contrario, 1995.
Et aussi deux fictions :
Mon sang dans tes veines : roman d’après une idée de Joséphine Baker, Pépito ABATINO et La Camara, Paris : Les Editions Isis, 1931.