Coiffé
d'un point d'interrogation hérissé sur le crâne, Arturo Brachetti semble poser
constamment la question de son identité. À la fois, magicien, conteur,
marionnettiste, comédien, danseur, mime, clown, poète, humoriste et
transformiste, son one man show consiste à changer de costume à une vitesse
époustouflante, se métamorphosant en cent personnages sous les yeux médusés des
spectateurs ahuris. Imprévisible et d'une rapidité incroyable, on ne sait
jamais en quoi il réapparaîtra cinq secondes plus tard. Homme caméléon, il
conjugue les traditions théâtrales de son Italie natale (Comedia dell'arte,
Fregoli, Fellini, la "Mama"...) avec le show à l'américaine (effets
spéciaux, grand écran, sons HDX, fumigènes et jeux de lumières sophistiqués).
L'homme qui s'habillait plus vite que son ombre…
Après avoir été révélé par le Festival Juste Pour Rire de Montréal en
1997, Arturo Brachetti débarque en janvier 2000 à Paris au Théâtre Marigny pour
60 représentations... et le 8 mai, il est couronné à l'Opéra Comique par le
prix Molière du meilleur one man show de l'année. Avec cette consécration,
Brachetti s'apprête à une tournée mondiale de Londres jusqu'à Broadway. Son
spectacle L'Homme aux mille visages mélange ainsi magie et
transformisme (l'artiste interprétait déjà 33 rôles dans Les
Maxiboules de Marcel Aimé) : « Serge Dennoncourt [le metteur en
scène] a pris des vieux numéros que je faisais dans plusieurs de mes spectacles
et nous les avons mis ensemble. C'est un genre de compilation »
(propos recueillis par Patricia Marchand pour Club Culture). Ce spectacle, considéré comme un "best
of", reprend donc les meilleurs numéros de la carrière d'Arturo, soient
quelques 100 transformations en 100 minutes « avec une idée de base
qui était celle de raconter l'histoire de ce garçon, qui est mon histoire, même
si c'est un peu romancé ». (Entretien avec Arturo Brachetti, propos
recueillis par Stéphanie Jeanroy, Le Télégramme, 26/03/2001).
To be or not to be...
Le spectacle débute sur une série de grandes phrases telles que : « Un pour
tous, tous pour un ; to be or not to be ; une personne et cent mille ; je suis
un mensonge qui dit toujours la vérité... » L'ambiance est donnée :
d'emblée, nous entrons dans un monde onirique où tout n'est qu'illusion, masque
et prestidigitation…
Conçu par Guillaume Lord, l'univers enchanté d'Arturo Brachetti surgit d'une imposante structure en bois en forme de cube, qui coulisse et tourne sur elle-même. Cette énorme boîte possède plusieurs casiers, des volets, une porte et des pans de tissus. Tout comme le transformiste, le décor dévoile ainsi, à chaque rotation, un nouveau visage. En un virage, il se transforme en écran géant, en décor de cinéma ou en scène de théâtre. Cet élément de décor constitue ainsi le lien entre Arturo et ses métamorphoses. Dans une nuée de fumigènes, une silhouette apparaît à contre jour dans l'encadrement d'une porte et retire, un par un, une série de masques. Le spectacle a commencé…
Conçu par Guillaume Lord, l'univers enchanté d'Arturo Brachetti surgit d'une imposante structure en bois en forme de cube, qui coulisse et tourne sur elle-même. Cette énorme boîte possède plusieurs casiers, des volets, une porte et des pans de tissus. Tout comme le transformiste, le décor dévoile ainsi, à chaque rotation, un nouveau visage. En un virage, il se transforme en écran géant, en décor de cinéma ou en scène de théâtre. Cet élément de décor constitue ainsi le lien entre Arturo et ses métamorphoses. Dans une nuée de fumigènes, une silhouette apparaît à contre jour dans l'encadrement d'une porte et retire, un par un, une série de masques. Le spectacle a commencé…
En un tour de passe-passe, le temps de se glisser derrière un rideau, et voici Arturo vêtu en cavalier de la garde montée. Le soldat déroule devant lui une affiche : "Wanted", et quand il la replie, il s'est transformé en grosse abeille. Un passage derrière un paravent lui suffit pour éclore habillée en fleur à pétales roses, puis telle une chrysalide, une danseuse émerge de ce costume coiffée d'un casque sur la tête à la mode Joséphine Baker. Débutant en Italie avec six costumes, il en détient aujourd'hui plus de 350.
La Mama et le Padre
Plus qu'un illusionniste, Brachetti se révèle un charmant orateur et, entre
chaque numéro, l'artiste nous livre, avec son irrésistible accent italien,
quelques épisodes de sa croustillante biographie : depuis les imitations
de sa "mama" s'inquiétant pour son avenir et affolée devant un goût
si prononcé pour le travestissement (« Qu'est-ce que tu fais avec mes
chapeaux, Arturo ?! Sors de mon placard ! »), jusqu'au
"padre", le Père Silvio Mantelli, qui lui a appris ses premiers tours
de magie au séminaire et l'a introduit au club des magiciens de Turin.
Un des premiers numéros du spectacle est ainsi dédié au début de
sa carrière : au temps où, caché dans le placard à
chapeaux de sa maman, le petit Arturino s'amusait déjà à interpréter de multiples
personnages. Depuis, il est capable d'incarner à l'aide d'un simple chapeau
vingt-sept personnages avec une rapidité déconcertante : cardinal,
mousquetaire, cow-boy, fermier, torero, Don Camillo, Napoléon, le diplômé, le
bonnet d'âne, le tricorne de Casanova, le turban de l'actrice du Sunset
Boulevard à Hollywood... La vie de l'artiste devient ainsi le fil conducteur à
ce spectacle. Avec beaucoup de sensibilité, d'humour et de nostalgie, Arturo
Brachetti nous raconte son histoire et particulièrement son enfance. Il se sert
pour cela de séquences filmées projetées sur scène dans lesquelles il
interprète aussi bien sa "mama" que son père spirituel : le curé
du village qui l'a initié à la magie. Arturo doit son talent à d'autres personnes : comme sa petite
amie qui lui a appris à se déshabiller très très vite, ainsi que son père qui,
lui, lui a appris à se rhabiller dare dare, illico presto... « C'est ça la passion des Italiens !... » (sic)
Son maître s'appelle Leopoldo Fregoli. À la fois
prestidigitateur, illusionniste, clown, poète et comédien, Fregoli demeure un
célèbre transformiste italien du début du siècle (1867-1936). Arturo Brachetti
a d'ailleurs interprété son rôle en 1994-95 dans une comédie musicale de Ugo
Chiti et Bruno Moretti intitulée "Fregoli" et dirigée par Saverio
Marconi (prix du spectacle le plus vendu en Italie pour les saisons 1994-95
avec 280 000 tickets). Leopoldo Fregoli réalisait alors quelques 80
transformations en une soirée : « Fregoli avait six assistants. J'en
ai un et c'est tout. Il n'y a pas un producteur au monde qui paierait pour six
assistants. Il y a les assistants de scène, pour les décors, la technique. Avec
mon assistant, c'est comme si j'avais quatre mains. On se comprend »
(propos recueillis par Patricia Marchand pour Club Culture). Dans le spectacle, un numéro est ainsi dédié à ce
grand maître du transformisme : à sa manière, c'est-à-dire celle de la
Belle Époque, l'époque du music-hall, de l'exotisme à la poésie du Pierrot...
D'Hollywood à Cinecitta…
Outre la vie privée de l'artiste, l'évocation du cinéma est un des fils
conducteurs du spectacle : ces images dans lesquelles le petit Arturino a
baigné, ces icônes hollywoodiennes qui l'ont fait rêver permettent au public
d'entrer dans le monde onirique de l'artiste, de cerner sa sensibilité à
travers ses références. Ses souvenirs de "cinéma maison" renvoient ainsi
à l'univers enfantin du magicien : son petit mouchoir devient alors un
écran géant sur lequel sont projetés des ombres chinoises. Ses mains habiles et
la souplesse de ses phalanges lui permettent d'évoquer de multiples
animaux : chien, chat, brebis, vache, âne, crocodile, éléphant, requin,
lapins en passant par la mort d'un cygne... « Le cinéma, c'était le
grand voyage (...à 50 km de mon village !) : sous la mer, dans l'espace,
comme tous les petits Italiens, j'ai grandi avec le cinéma de Charlie Chaplin
à la guerre des étoiles. Je rêvais d'Hollywood. Je dévorais le
cinéma ». Et là, en un coup de baguette magique, Arturo avale le
gigantesque morceau de tissu qui servait au préalable d'écran.
Le spectacle Brachetti in technicolor, écrit par
Marconi-Brachetti et mis en scène par Saverio Marconi, portait déjà sur le
thème des productions cinématographiques d'Hollywood : l'action se situait
en 2095 et consistait à mélanger, suite à un bug informatique, tous les
classiques du 20e siècle sauvegardés sur des disquettes afin de confondre les
époques et assembler des binômes inédits tels que Néron et Scarlett O'Hara ou
encore James Bond et Cléopâtre... Brachetti y réalisait ainsi 40 personnages et
60 transformations rapides de costume.
En hommage à Hollywood, il incarne de nouveau un panel de
comédiens aussi varié que Charlie Chaplin (Le Dictateur), Gene Kelly (Chantons
sous la pluie) et Liza Minelli (Cabaret), ainsi que plusieurs icônes
du cinéma tels que les péplums de Cecil B. De Mille (Les Dix commandements),
ou encore James Bond (Goldfinger), tout en passant par l'histoire du
cinéma américain avec des séquences de Autant en Emporte le vent, Psychose,
Les Dents de la mer et King Kong. Grâce à un costume scindé en deux,
il s'amuse également à interpréter en play back la scène d'anthologie entre
Bogart et Bergman dans Casablanca. Moitié homme, moitié femme, d'un
côté, il porte un costume masculin alors que son autre profil est revêtu d'un
tailleur féminin. De nombreuses séquences abordent ainsi un thème privilégié
chez le transformiste : à savoir, l'ambivalence sexuelle ou celle qui lie
le créateur à sa créature, l'acteur au personnage qu'il incarne, comme dans le
numéro consacré à Frankenstein ou encore celui de Star Wars via
l'ambiguïté de Dark Vador (le gentil passé du "côté obscur de la Force", l'affrontement du fils contre son père). D'ailleurs, la cape de
Dark Vador révèle une danseuse de natation synchronisée qui, en un tour à la
David Coperfield, réalise un véritable ballet aquatique dans les airs :
elle s'élève d'abord à la verticale, puis plonge et "nage" à
l'horizontale avant de réaliser un tour entier dans l'espace comme en
apesanteur.
Don d'ubiquité
Dans le numéro intitulé "The Far West", le transformiste interprète
six rôles avec une très grande interaction entre les personnages : il
incarne ainsi successivement un pianiste barbu, le barman, un bandit, une
cow-girl, le shérif et le croque-mort. Sur un air de country, le roi de la
métamorphose change de costume en l'espace d'une seconde dans ce décor de
saloon peint en noir et blanc. Quittant la scène par une porte, il réapparaît
aussitôt, tel un vaudeville, par une autre. La scène de fusillade entre le
bandit habillé en noir et le shérif vêtu de blanc est particulièrement bien
réglée, c'est à se demander si Arturo n'a pas un frère jumeau !
Mais qui est donc Arturo ? Brachetti répond à cette
question en rendant un ultime et émouvant hommage à un monstre sacré du
cinéma : « Federico Fellini portait en lui, dans sa boîte, des
milliers de personnages et grâce à eux, il a dit qui il était ». Accompagnée par la magnifique musique de Nino Rota, le dernier
tableau consacré à Fellini est sans aucun doute le morceau le plus émouvant et
poétique du spectacle. Un plateau de tournage célébre le fabuleux travail du
réalisateur italien dans un décor qui évoque Cinecitta. Assis de dos sur une
chaise de metteur en scène, imprimée au nom du maestro, Arturo incarne
successivement Julietta Massina via le personnage du clown de La Strada
en chapeau melon et pull rayé ainsi que les femmes fantasmagoriques et
voluptueuses de Huit et demi, La dolce vita... Ce tableau se termine par
le passage sur scène du bateau de Et vogue le navire !
Pour Arturo Brachetti, « au fond, c'est tout simple, on est
seulement un enfant caché dans son placard qui joue au théâtre et qui fait son
cinéma. Et sans cet enfant nous ne sommes rien du tout ».
Arturo
Brachetti : L'homme aux mille visages
À l'affiche jusqu'au 3 mars 2002 au Casino de Paris
16, rue de Clichy - 75009 Paris - Métro : Trinité.
Durée : 2 heures.
À l'affiche jusqu'au 3 mars 2002 au Casino de Paris
16, rue de Clichy - 75009 Paris - Métro : Trinité.
Durée : 2 heures.
Mise
en scène : Serge Denoncourt - Direction artistique : Pierre Bernahard
Décor : Guillaume Lord - Créateur lumière : Alain Lortie et Bruno Rafie
Maître costumier : Massimo Sarzi Amadè - Texte : Pierre Yves Les Mieux
Assistant à la mise en scène : Geneviève Lagacé - Accessoires : Normand Blais
Décor : Guillaume Lord - Créateur lumière : Alain Lortie et Bruno Rafie
Maître costumier : Massimo Sarzi Amadè - Texte : Pierre Yves Les Mieux
Assistant à la mise en scène : Geneviève Lagacé - Accessoires : Normand Blais
Site officiel : www.brachetti.com
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