lundi 9 juin 2014

"Il faut quelques secondes pour effacer un monde"

Klumzy.

Faire les 100 pas. Avoir ce sentiment que tu vas prendre la parole. Aimer que tu ne la prennes pas.
Tu précises : "Ce n'est pas encore commencé..."
Alors que si, bien sûr, le spectacle a déjà commencé. On y est déjà.
Ne serait-ce que par notre attente. Ne serait-ce que par votre présence sur scène. Ne serait-ce que par votre propre attente. Ne serait-ce que parce qu'on partage déjà ce temps et cet espace avec vous. Ne serait-ce que parce que l'on vous observe déjà. On vous surveille. On scrute le moindre de vos mouvements.
Bref : nous baignons déjà dans cet "être ensemble" du spectacle.

Attendre.
"L'avant-spectacle" fait partie du spectacle.
Il colore même tout ce qui va suivre.

Le public reste d'ailleurs éclairé. Soulignant implicitement que sa présence fait partie du "spectacle".

Klumzy.
C'est une photo.
Un portrait d'Ashlea Watkin mis en scène par Nicolas Cantin.
C'est donc une image de toi.
Mais c'est aussi une image de moi. Spectateur. Qui m'y projette en silence, dans les failles, entre les mots. 

Klumzy de Nicolas Cantin. Avec Ashlea Watkin. Photo : Nicolas Cantin
It's an image.
Garder cette phrase ouverte tout au long du spectacle : "It's an image".
Ce ne sont que des images. Ce sont seulement des images. C'est ça le "SPECTACLE".
Plusieurs facettes d'Ashlea. Une série d'instantanés choisis.
Qui déclenchent des images de nos propres souvenirs, cauchemars ou fantasmes.

Les voir s'effacer "en quelques secondes".
Ceci est un spectacle.
S P E C T A C L E.
Spectacle. Spectacle. Spectacle. Spectacle. Spectacle...


Klumzy.
Ou les métamorphoses d'Ashlea Watkin

Au-delà du masque, sa posture et ses mouvements la transforment.
La voir de dos, la voir barbue, ne plus la voir, voir une créature surgir du brouillard.
Le trouble de son regard. Sa bouche s'entrouvrir. Sa nuque se plisser. Ses gestes chercher. Hésiter. Errer. Se détourner vers nous. Me rappeler soudain que je suis là et que je la regarde. Qu'elle n'existe que parce que nous sommes là.
Klumzy de Nicolas Cantin. Avec Ashlea Watkin et Nicolas Cantin. Photo : Maxime Côté
Klumzy.
La présence du créateur. Qui regarde. Met en scène.
Contrôle. Lance la musique. Observe sa créature. Dirige. Intervient. Rompt. Brise. 
Tu t'inscris en contre-point. Pendant qu'elle se métamorphose. Pendant qu'elle se change. Pendant qu'elle s'habille.
Tu es une ombre. Son ombre. L'ombre d'Ashlea. Ou la tienne. Ou la nôtre. Peu importe.
Tu lâches ton fou. Tu exorcises.

Voir la table se déplacer. Et voir un monde se décaler. Voir la chaise vaciller. Et rester en suspens. Comme saisie par le temps. It's an image.
L'image d'un monde sur le point de basculer.

Klumzy.
C'est la fin. Vous avez disparu.
Et pourtant le spectacle demeure. Il s'incarne dans la lumière de Karine Gauthier. La tension. L'image. Le souvenir de vos présences qui hantent nos mémoires. Vos traces inscrites dans notre imaginaire.
C'est aussi ça, le "SPECTACLE".

Et en quelques secondes un monde s'efface...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire