lundi 15 septembre 2008

Duos entre danseur et spectateur

Avec le projet Entre deux coproduit en mars 2007 par Danse-Cité, le tandem kondition pluriel formé par la chorégraphe Marie-Claude Poulin et le concepteur en arts médiatiques Martin Kusch créait un espace de rencontre entre l’artiste et le spectateur. Comme pour le projet Hautnah ! de Félix Ruckert (également produit au Québec en 1999 et en 2000 par Danse-Cité) ou encore le « pseudo-spectacle » héâtre-élévision de Boris Charmatz présenté à Montréal dans le cadre du FIND en 2003, il s’agit d’un rendez-vous individuel qui s’adresse à un spectateur à la fois.

héâtre/élévision de Boris Charmatz : une installation pour un spectateur à la fois

Dans Entre-deux, le spectateur, enfermé, seul, dans un cube en bois, est mis en relation avec des danseurs par l’intermédiaire d’une projection sur écran. L’image de ceux-ci n’apparaissant que dans l’ombre du spectateur, ce dernier est amené à bouger afin de suivre la performance. Dans ce "spectacle captif", chaque solo se transforme alors en un savoureux duo avec le spectateur. Les danseurs interagissent en effet directement avec lui en fonction de ses mouvements et déplacements. L’œuvre se joue donc d’emblée à travers le corps du spectateur. Grâce à son dispositif médiatique, cette proposition met en relation non seulement deux lieux clos, mais également deux espaces symboliques habituellement séparés. Elle offre ainsi une expérience intime et interactive dans laquelle le spectateur, à la fois observateur et acteur de l’œuvre, devient partenaire de danse.


Dans le projet Hautnah ! de Félix Ruckert, créé en Allemagne en 1997, chaque spectateur choisit un danseur et négocie avec lui le prix de son billet avant d’assister, seul, à la performance. La relation individuelle entretient ainsi le doute (ou alimente le fantasme) chez le spectateur d'avoir assisté à une performance différente de celle des autres spectateurs. Pour l'installation éâtre/élévision conçue en 2002 par Boris Charmatz, le spectateur, seul dans une salle et couché sur un piano, est invité à regarder une télévision qui se substitue alors à la boîte noire du théâtre : "On vient à héâtre – élévision un par un, mais on y trouve le confort d’une fumerie d’opium. On a le droit à un demi-sommeil mérité et qui ne nuit pas au processus". Avec Écoute pour voir d’Emmanuel Jouthe (qui a participé en tant qu'interprète à la reprise québécoise du projet Hautnah !), le spectateur est relié au performer par le biais d'un lecteur mp3 qui lui permet de partager la bulle musicale du danseur le temps d'un solo.



Ces propositions chorégraphiques convoquent un rapport au spectacle solitaire, individuel et intime : de l'expérience du huis clos en tête à tête avec un danseur au partage d'un univers sonore. Ces expériences confrontent le spectateur hors de l’anonymat confortable de la salle de spectacle et l’impliquent davantage dans une relation directe avec le danseur. Les chorégraphes aspirent ainsi à développer une expérience singulière, à travers laquelle la relation engagée avec le public prime sur le pouvoir de l’image et du corps performant.