jeudi 7 mars 2002

Ré-interpréter le répertoire

La notion de répertoire pose la question de la mémoire. Quelle mémoire a-t-on de l’œuvre ? Si la danse contemporaine ne s’est pas posé la question de la mémoire, c’est qu’elle s’est d’abord revendiquée comme « contemporaine », ancrée dans un présent et liée à une actualité plutôt qu’à un passé régénéré ou rediffusé. Quelles traces en conserve-t-on ? La vidéo ne répond que partiellement à ce désir de « fixer » l’éphémère. La conception même d’une œuvre contemporaine induit donc l’oubli. Est-ce donc contradictoire de parler de répertoire « contemporain » ? Est-ce que la notion de « répertoire » n’induit pas forcément un passé révolu ? Que reste-t-il d’une œuvre lorsque son créateur disparaît ? Des photographies, une captation, des notes, des dessins, au mieux une partition : quoiqu’il en soit, l’œuvre subit une perte.

Le chorégraphe est le signataire de l’œuvre, mais qu’en est-il des interprètes ? Les Carnets Bagouet ont démontré que les danseurs pouvaient faire vivre le répertoire de leur compagnie, grâce à leurs souvenirs et à travers l’expérience de la transmission. Ils ont un temps « incarné » la danse d’un chorégraphe, ils l’ont interprétée et donc traduite dans le corps, assimilée et incorporée selon leur personnalité et leur propre histoire individuelle. Une œuvre chorégraphique n’est donc pas la propriété exclusive de son auteur, à savoir le chorégraphe, mais de sa compagnie. Elle appartient à une mémoire collective qui réunit non seulement le chorégraphe et les interprètes, mais aussi tous les acteurs du projet ainsi que ses spectateurs.

Ré-interpréter une pièce d’un répertoire par un même danseur 15 ans plus tard ou par un danseur qui n’a pas forcément connu l’œuvre, mais a partagé un temps le travail du chorégraphe permet d’éclairer l’œuvre sous une autre lumière, une autre actualité. Les corps se sont transformés, la danse également, pour une nouvelle interprétation, une nouvelle exploration de l’œuvre.

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