samedi 20 janvier 2007

Effacer les frontières scène/salle

Dans les salles, les gradins disparaissent. Le public est invité à s’installer sur scène et à partager l’espace traditionnellement réservé aux danseurs. La frontière scène/salle se dissout. L’action et le regard partagent alors un espace commun.

C’est le cas dans les « pièces distinguées » de La Ribot où la danseuse arpente la scène au beau milieu des spectateurs qui la suivent ou l’entourent. La chorégraphe espagnole a ainsi créé entre 1993 et 2003 plusieurs séries de performances présentées en solo sous forme de tableaux : Piezas distinguidas (1993-1994), Mas distinguidas (1997), Still Distinguished (2000) et Panoramix (2003) – ce dernier opus propose une compilation des trois séries précédentes. Éclairé par la même lumière, le public n’est plus assigné au côté obscur de la salle ; il fait ainsi partie intégrante du champ spectaculaire. Ce rapport de proximité direct offre une perception plus "tactile" de la danse. Le danseur évolue dans le même espace que les spectateurs : il les frôle, tombe à leurs pieds, maintient un équilibre tout près d’eux, se faufile entre eux comme pour se fondre, ou se dissimuler, dans la foule anonyme du public.
La Ribot - Tate Gallery, Londres, 2003 - Crédit : Manuel Vason
Pour Hooman Sharifi, chorégraphe norvégien d'origine iranienne, et son "Impure Company", l’art a tout à voir avec la politique (*). Ses spectacles revisitent à ce titre les relations entre l’artiste et le public à travers une expérience physique de l’espace, du son et même du toucher.

Dans As if your death was your longest sneeze ever créé en 2002, la présence des spectateurs intégrée dans la scénographie constitue la clef de voûte de la pièce. Confiné tout d’abord dans un espace réduit, le public assiste, debout et inconfortable, à une performance : privé de la distance qui le sépare ordinairement de la scène, il n’est plus face à l’action mais littéralement dans l’action. Ensuite, il est installé au contraire dans une vaste salle sur des chaises réparties dans tous les sens : aucun point de vue n’est privilégié dans cet espace chaotique et l’action se dissémine entre les spectateurs. Pour finir, le public est plongé dans la pénombre.

De la disparition du danseur surgit alors la figure du spectateur qui, sous couvert d’anonymat, participe soudain au mouvement. En effet, scrutant l’obscurité avec insistance dans l’espoir d’y « voir » les danseurs, il se permet des mouvements et des déplacements qu’il n’oserait pas à la lumière. Dans le noir, danseurs et spectateurs se confondent, se rencontrent et se surprennent. Le public joue ainsi avec les interprètes, leur barrant le passage ou acceptant le contact, et même des portés. À travers ces différentes organisations de l’espace et du groupe, Hooman Sharifi tente d’instaurer un rapport égalitaire avec le public.
Hooman Sharifi - Crédit : Arash A Nejad
(*) IMPURE COMPANY MANIFESTO :


Art equals politics

This statement is the starting point for impure company’s activities. It signifies what art is and should be.

Politic is social awareness.

I am interested to communicate, to have a comment, to question and activate. The functionality of my activities is important.

Site de La Ribot : http://www.laribot.com
Un livre est paru en 2004 sur la chorégraphe madrilène installée en Suisse. Publié par le Centre national de la danse, il nclue des textes de : Adrian Heathfield, José A. Sanchez, Laurent Goumarre, Gerald Siegmund et André Lepecki.

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