Perceptions intimes :
l’Appartement témoin de Danse-Cité
Au
sein de l’association Projet in situ,
le chorégraphe Martin Chaput et l’anthropologue Martial Chazallon collaborent pour
mener une recherche artistique autour de la perception urbaine et produire des
œuvres chorégraphiques en lien direct avec la ville. Cette expérience, répétée
dans quatre grandes métropoles (Mexico, Montréal, Maputo et Marseille), se
réalise à chaque fois avec des artistes locaux. Dans Appartement témoin
conçu à Montréal, chaque interprète a participé au processus de création à
travers un questionnaire sur sa propre perception de la ville.
Cette recherche
à la fois chorégraphique, anthropologique et plastique propose « un
va-et-vient entre le dévoilement de quatre intimités et nos perceptions de
l’imaginaire de cette ville à la recherche des traces de la mémoire et des
formes de l’oubli. Une mémoire sensorielle, urbaine, intime et collective qui
imprègne les corps » (notes de programme).
Parallèlement à des jeux d’habillage et de déshabillage, les interprètes
racontent des anecdotes liées aux tenues qu’ils enfilent. Chaque vêtement a son
histoire : à partir des propriétaires d’origine ainsi évoqués, les
danseurs incarnent une multitude d’identités. Des photos projetées sur le mur
en fond de scène représentent elles aussi des témoignages, tout comme les piles
de romans qui agrémentent la scénographie. Au niveau de la bande sonore, des
fragments de conversations et de messages téléphoniques fusent. Le spectacle
présente à ce titre un document ethnographique : une carte postale de
Montréal.
Crédit Photo : Nicolas Ruel |
Chaque objet, chaque voix est marqué par une identité : ils introduisent sur scène des bribes de vie, des traces. La figure du danseur s’efface sous la « personnalité » du vêtement et son corps devient un accessoire au service du costume. Les habits prennent littéralement vie sous l’action des danseurs pour devenir à leur tour des sujets dansants qui remuent, vibrent et même dansent.
Les vêtements sont également utilisés pour déformer le corps des interprètes et le tapis de scène. D’une part, le corps grossit et s’arrondit sous les épaisseurs de tissu, prêt à étouffer sous l’accumulation, ou incarne des créatures sans tête qui dansent enveloppées dans un manteau trop grand avec un cintre en guise de visage. D’autre part, des masses de vêtements glissés sous le tapis de scène créent des protubérances qui troublent l’horizontalité du sol.
Les interprètes circulent entre les bosses et les brèches. Ces incisions dans le tapis opèrent une trouée dans laquelle les danseurs peuvent se réfugier ou se dissimuler, tels des marginaux disséminés dans la cité qui tentent d’emprunter des voies différentes. La ville n’implique pas seulement un moyen de s’insérer dans la communauté : elle génère également l’isolement.
Appartement témoin (2005)
Chorégraphie et mise en espace : Martin Chaput et Martial Chazallon ;
scénographie : Maciej Fisner ; composition
musicale : Laurent Maslé ; lumières : Lucie Bazzo.
Interprètes : Nicolas Filion, Philippe Lonergan,
Mathilde Monnard, Maya Ostrofsky.
Une coproduction de Danse-Cité et Projet in
situ (Paris), présentée au MAI du 6 au 16 avril 2005.
Extrait vidéo en ligne sur http://www.projet-insitu.com in "créations"
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