vendredi 1 avril 2005

Rituel orgiaque

Marie Chouinard : Les 24 Préludes et Chorale 

Les 24 Préludes de Chopin (1999)
Les 24 Préludes de Chopin s’orchestrent à travers de courts tableaux qui mettent en scène des soli, des duos, des trios et des séquences de groupe. En étroite relation avec la partition musicale, les mouvements collectifs se désolidarisent puis se retrouvent subitement à l’unisson, tout comme les doigts du pianiste Jean-François Latour sur son clavier. De la mélancolie à la frénésie, les tableaux oscillent entre le burlesque et l’émotion. Coiffés d’une crête sur la tête et déambulant d’une démarche insolite, les danseurs incarnent des créatures mi-humaines et mi-animales, dont les mouvements secs et nerveux ou répétitifs et circulaires rappellent tantôt ceux d’une basse-cour, tantôt ceux d’un rituel. Et lorsqu’un élément se démarque, le groupe, telle une marée, le récupère aussitôt pour l’absorber dans sa masse.
 
Dans Chorale, la partition musicale s’organise autour du souffle des danseurs. Une gamme chromatique propre à la respiration conjugue inspirations, expirations, spasmes et contractions, en solo, en duo et en groupe. La troupe trépigne en chœur ou dans une cacophonie vocale assourdissante. Quand le son est étouffé par une main, les vibrations se perpétuent dans le corps tel un battement cardiaque. Le mouvement s’inscrit sur le rythme de la respiration et prolonge le son comme un écho dans l’espace. Les corps soupirent, vibrent et vrombissent. De la terreur à l’extase, la palette des émotions est vaste : telles des incantations collectives, les cris, les onomatopées, les ululements et les rires confèrent à la pièce un caractère jubilatoire.

Chorale (2003)

Dans un halètement progressif, de bruyants baisers se multiplient, de plus en plus affamés. Frénétique et sauvage, la figure de l’embrassade conduit à l’étouffement. Plus tard, les interprètes se détachent en ombres chinoises, offrant au public la vision fantasmagorique d’un déchaînement orgiaque à base d’ondulations lascives et de convulsions orgasmiques : « Des êtres se rencontrent, du côté de l’informe ou du difforme, de l’étrange ou de l’inquiétant, de la grâce ou du dépouillement, du primitif ou de l’urbain »[1]. En couplant Les 24 Préludes de Chopin avec Chorale, Marie Chouinard propose un programme « doublement jouissif »[2] dans lequel la danse fait littéralement corps avec la musique pour une cérémonie tellurique et débridée où l’individu se fond dans le collectif.





Les 24 Préludes de Chopin (1999) et Chorale (2003)
Chorégraphies : Marie Chouinard ; musiques : Frédéric Chopin, Louis Dufort ; lumières : Axel Morgenthaler ; costumes : Vandal ; maquillages : Jacques-Lee Pelletier. Interprètes : Kirsten Andersen, Mark Eden-Towle, Julio Cesar Hong, Andrea Keevil, Chi Long, Carla Maruca, Lucie Mongrain, David Rancourt, Isabelle Poirier, Carol Prieur, James Viveiros. Programme présenté par Danse Danse au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts du 31 mars au 2 avril 2005.

[1] Dossier de presse, compagnie Marie Chouinard, à propos de Chorale, mars 2005.
[2] Communiqué de presse, Danse Danse, Montréal, 25 février 2005.

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