samedi 30 juin 2007

Brèches chorégraphiques

Depuis sa création en 2004, Umwelt de Maguy Marin divise systématiquement les spectateurs à chaque représentation : tandis que certains saluent le chef d’œuvre, d’autres crient au scandale et s’indignent que ce n’est pas de la danse… L’éternel débat autour de la définition de l’art (et, en l’occurrence, celle de la « danse ») est relancé à travers cette pièce contemporaine à la scénographie radicale et à la musique étourdissante, où le mouvement chorégraphique s’organise telle l’altération d’un paysage.

Umwelt (2004) | Maguy Marin

La partition chorégraphique se compose d’un va-et-vient hypnotisant d’hommes et de femmes qui apparaissent et disparaissent entre deux rangées de panneaux disposés en quinconce et formant un long couloir en fond de scène. Pendant ce défilé, un vent puissant souffle sur la scène, provoquant une incroyable bourrasque sur le plateau, soulevant les robes et échevelant les interprètes. Tel le ressac des vagues, les danseurs surgissent et s’évanouissent, tout en réalisant une série de gestes aussi banals que croquer dans une pomme, enfiler un chandail, se gratter la tête, transporter des sacs poubelle ou se déculotter. Ces innombrables gestes que l’on accomplit des milliers de fois dans nos vies sont savamment orchestrés. Réalisés simultanément par deux personnes ou par six dans une synchronie saisissante, ils donnent lieu à un véritable ballet contemporain pour mouvements quotidiens.


Esthétique environnementale
Peu à peu, des accidents altèrent le mouvement continu, mais aussi l’environnement dans lequel ils surviennent. Certains danseurs chutent, d’autres s’empoignent, et les conflits se multiplient. L’enchaînement des images opère d’ailleurs des liens entre les séquences : des casques militaires suivant des carcasses de viande établissent un parallèle inévitable entre la boucherie et la guerre. La succession et la répétition des actions marquent la spirale infernale du temps et le cycle des saisons : mettre une écharpe, tousser, enfiler des lunettes de soleil, transporter un arbre… Mémoire du temps qui passe, des détritus s’amoncellent progressivement sur le plateau. L’environnement scénographique se dégrade tout comme les figures de pouvoir. Régulièrement, des images surréalistes s’immiscent entre les scènes comme des îlots d’utopie ou des issues possibles. Umwelt – qui signifie « environnement » en allemand – résonne alors comme le manifeste écologique et poétique d’une chorégraphe engagée, pour qui il devient urgent de réinventer le monde et la danse.


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