vendredi 5 novembre 2004

Tornade chorégraphique

Blush de Wim Vandekeybus (Ultima Vez)
Depuis 1987, le chorégraphe et réalisateur belge Wim Vandekeybus mêle la danse non seulement au théâtre et à la musique, mais également à l’image vidéo qui accompagne toutes ses œuvres, induisant ainsi un regard transversal sur la danse.

Véritables capharnaüms organisés, les chorégraphies de Wim Vandekeybus fourmillent de personnages, de mouvements, d’accessoires, de musiques et d’images hétéroclites. Comme le Tanztheater de Pina Bausch ou les Ballets C. de la B., la compagnie Ultima Vez est marquée par la diversité à la fois linguistique et morphologique de ses interprètes. La scène devient ainsi une tour de Babel où chacun affiche son identité en parlant une langue différente.


De plus, les membres de la troupe sont tous collaborateurs à la création à la fois en tant qu’interprètes et chorégraphes, mais également en tant que danseurs et comédiens. Le plateau est à ce titre le lieu d’une bourrasque scénique où les passions humaines se déchaînent à travers des chassés croisés, des portés, des courses poursuites, des corps à corps et des chutes au sol vertigineuses. De l’extase à l’agonie, les scènes passionnelles se conjuguent aux crises d’hystérie et de désespoir. La répétition de certaines séquences amplifie l’effet de violence.

Sur fond de confidences et déchirements, une cérémonie nuptiale vire en oraison funèbre. Les scènes de folie, les hurlements et les bousculades se succèdent à un rythme frénétique dans une cacophonie à la fois verbale, visuelle et gestuelle qui mêle danse, théâtre et vidéo. Cet univers composite est accompagné par l’ambiance éclectique des compositions musicales originales signées David Eugene Edwards, membre du groupe rock 16 Horsepower à titre de chanteur et parolier. La danse baigne ainsi tantôt dans une atmosphère aux teintes orientales envoûtante et planante, tantôt elle explose sous des guitares déjantées et des percussions démoniaques.

Parallèlement à une scénographie qui se construit et se déconstruit, les groupes se forment et se disloquent inlassablement. Face à l’action constamment mouvante et multiple et à la rapidité des contacts et des croisements dans l’espace, l’œil ne parvient jamais à se fixer. De plus, comme à son habitude, le spectacle de Wim Vandekeybus se double d’une dimension cinématographique et l’action scénique se prolonge à travers la projection d’un film.

La chorégraphie joue alors sur différents niveaux : non seulement en profondeur sur le plateau et à la verticale via les pylônes qu’escaladent les interprètes, mais aussi à l’écran dont les traversées créent l’illusion d’un va-et-vient constant entre vidéo et réalité, brisant ainsi le cadre de l’image en deux dimensions. Enfin, les interprètes débordent de la scène via des incursions régulières dans la salle, à proximité des spectateurs, ouvrant des brèches sur le quatrième mur. Les scènes éclatent à divers endroits et se jouent simultanément sur différents plans.

What the Body Does Not Remember | Credit photo : Danny Willems

Comme surgies d’un étrange cauchemar, les images du corps mis en scène prennent différentes formes. Polymorphes, ils sont successivement sujet, animal et corps objet. L’animalité des comportements tant théâtraux - notamment à travers le traitement de la voix : cris, couinements, grognements, etc. - que corporels souligne la bestialité des rapports humains, notamment dans les scènes de séduction et d’affrontement. Cependant, les rôles s’inversent entre prédateurs et victimes : les danseuses lascives deviennent de menaçantes sirènes ou des araignées vénéneuses dont l’apparence inoffensive n’est qu’un piège pour mieux attirer et confondre leur proie. 

Un parallèle s’établit entre la voracité du public et des images d’animaux affamés. Le regard du spectateur glisse de l’attrait du spectacle à l’appât du corps. Des corps enfermés dans des sacs de voyage sont transportés comme des objets. Les rapports s’inversent à nouveau et les interprètes observent alors le spectateur comme une bête de foire. Une danseuse descend même de scène pour demander un autographe, tandis qu’un autre interprète prend une photo. Le propos de la pièce qui traite des tabous inavoués s’élargit alors au désir trouble du spectateur.


Blush | Compagnie Ultima Vez
Créé le 24 septembre 2002 à Bruxelles
Présenté par Danse Danse les 5 et 6 novembre 2004 au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts à Montréal
Chorégraphie, mise en scène, scénographie et réalisation vidéographique :
Wim Vandekeybus
Créé et dansé par : Laura Arís Avarez, Elena Fokina, Jozef Frucek, Ina Geerts, Robert M. Hayden, Germán Jauregui Allue, Linda Kapetanea, Thi-Mai Nguyen, Thomas Steyaert, Wim Vandekeybus
Textes : Ultima Vez & Peter Verhelst
Musique originale : David Eugene Edwards
Site Internet : http://www.ultimavez.com

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